SCIENCES DE LA VIE : « ANTICIPER LES TENDANCES GLOBALES, TOUT EN CAPITALISANT SUR NOS ATOUTS HISTORIQUES »
JERRY KRATTIGER | 04.09.2024

Fribourg sera-t-il bientôt plus connu pour ses compétences en biotechnologie ou en chimie verte que pour son chocolat et sa fondue moitié-moitié ? C’est fort possible, compte tenu des récents et prometteurs développements des sciences de la vie dans le canton. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces deux domaines – agroalimentaire d’un côté, sciences de la vie de l’autre – sont étroitement liés. Explications avec Jerry Krattiger, directeur de la Promotion économique du canton de Fribourg.

Comment définir les sciences de la vie, thème central de cette nouvelle édition de Fribourg Network Freiburg ?

Les sciences de la vie englobent un large éventail de disciplines axées sur l’étude des organismes vivants et des processus vitaux. Alors que la biotechnologie utilise des systèmes biologiques et des organismes vivants pour développer une variété de produits et de technologies, le secteur pharmaceutique se spécialise dans le développement et la commercialisation de médicaments pour la santé humaine. Les dispositifs médicaux incluent quant à eux des appareils comme les scanners, les prothèses et les assistances auditives, conçus et fabriqués par des chercheurs et des ingénieurs spécialisés. De plus, le domaine des diagnostics développe des tests destinés à dépister diverses maladies. Je mentionnerai enfin les services de conseil et les innovations en santé numérique, qui viennent compléter ce vaste panorama.

Ce secteur économique a connu une évolution significative dans le canton de Fribourg…

Depuis les années 1960, Ciba était un acteur majeur dans la région, mais après sa fusion avec Sandoz en 1996 pour former Novartis, le groupe a rapidement déplacé ses opérations. Dans l’intervalle, le canton de Fribourg a vu l’arrivée de sociétés pharmaceutiques telles que Vifor et UCB Farchim, suivies par des entreprises spécialisées dans le diagnostic ou les dispositifs médicaux comme Bio-Rad, Alcon, Sonova et Medion Grifols. Aujourd’hui, Fribourg a abouti à une situation extrêmement intéressante, se positionnant comme un acteur dynamique dans le domaine des sciences de la vie en Suisse.

Et particulièrement au sein de la Health Valley de Suisse occidentale ?

Absolument. Les atouts du canton de Fribourg s’appuient sur des forces dépassant ses frontières. De Soleure à Genève, la Health Valley de Suisse occidentale se distingue par une concentration d’incubateurs, de parcs technologiques et d’entreprises de pointe, avec notamment une très forte capacité de production dans le domaine des biotechnologies. Fribourg s’intègre parfaitement dans cet écosystème prospère, contribuant activement à son développement et à son rayonnement international.

Quels sont les atouts de Fribourg en matière d’innovation ?

Nous disposons d’infrastructures uniques comme le Biofactory Competence Center pour la formation et la bioproduction, l’institut ChemTech pour la chimie verte ou encore l’institut iPrint pour l’impression biomédicale. L’institut Adolphe Merkle (AMI) brille également par son expertise en nanotechnologie, par exemple pour encapsuler à très petite échelle des vaccins. Ces centres de compétences collaborent étroitement avec les acteurs économiques et industriels, dynamisant ainsi la recherche et facilitant le transfert de technologies vers le marché.

Qu’en est-il des implantations étrangères ?

Attirer des groupes étrangers est toujours un défi, mais nous avons récemment eu du succès avec des entreprises comme CT Group, un groupe brésilien qui a choisi Fribourg pour y établir sa centrale d’achat. Ils s’approvisionnent en Suisse et en Europe et expédient ensuite ces dispositifs médicaux au Brésil. D’autres acteurs, tels qu’OM Pharma et Verfora, ont sélectionné Fribourg comme siège de leurs opérations commerciales pour le marché suisse. Ces réussites confirment l’attractivité de notre situation géographique au cœur de la Suisse et de l’Europe, encore renforcée par la disponibilité des terrains et la qualité des infrastructures.

La tradition agroalimentaire de Fribourg a-t-elle joué un rôle clé dans cette évolution ?

Tout à fait, il existe un lien cohérent entre notre tradition agroalimentaire et le développement progressif des sciences de la vie dans le canton. Historiquement, l’importance de l’agroalimentaire a permis d’établir une base solide de connaissances et de compétences en chimie et biologie. Cette expertise a naturellement évolué vers des applications plus avancées, notamment dans les biotechnologies. Aujourd’hui, ces domaines se renforcent mutuellement, démontrant notre capacité à nous adapter et à anticiper les tendances globales, tout en capitalisant sur nos atouts historiques.

Comment voyez-vous l’avenir ?

Je suis persuadé que le secteur des sciences de la vie présente un potentiel extrêmement prometteur. Il contribue déjà à plus de 15% de nos exportations et génère une valeur ajoutée largement supérieure à la moyenne cantonale, ce que confirme l’étude que nous avons mandatée à ce sujet. Soutenue par une main-d’œuvre hautement qualifiée, cette dynamique représente une formidable opportunité pour l’avenir économique de notre canton.