Directeur associé de Lutz Architectes, Fabrice Macherel pose dans les locaux du Green Offices, siège de l’entreprise et modèle de construction écologique.
Directeur associé de Lutz Architectes, Fabrice Macherel pose dans les locaux du Green Offices, siège de l’entreprise et modèle de construction écologique.
Au début des années 1970, la volonté affichée par Conrad Lutz de construire des bâtiments énergétiquement performants faisait passer l’architecte fribourgeois pour un doux rêveur, voire un illuminé. La crise pétrolière de 1973 lui donnera pourtant rapidement raison, même s’il faudra attendre la fin des années 1990 et la certification Minergie – label de construction suisse valorisant la performance énergétique – pour que cette problématique soit prise au sérieux. Si le fondateur de Lutz Architectes a pris sa retraite en 2017, ses successeurs continuent à perpétuer l’esprit pionnier et la capacité d’innovation qui font la réputation de ce bureau d’exception actif dans toute la Suisse romande. Entretien avec Fabrice Macherel, architecte spécialisé en écologie et directeur associé de Lutz Architectes.
Le Green Offices, siège de Lutz Architectes dans lequel nous nous trouvons en ce moment, est toujours un modèle de construction écologique 16 ans après son inauguration. Comment l’expliquer ?
Notre bâtiment administratif, qui accueille également d’autres sociétés, est certifié Minergie-P-Eco et se distingue en effet par son très faible impact environnemental. Il consomme près de 90% d’énergie en moins qu’un immeuble de bureaux standard de 2007, année de sa construction. Nous pouvons notamment citer l’utilisation de matériaux écologiques à faible énergie grise, les toilettes sèches ou la récupération d’eau de pluie. Lauréat du Watt d’Or 2008 et du Prix Lignum 2009, le Green Offices reste encore et toujours une belle carte de visite pour notre bureau d’architecture.
Le Prix Lignum récompense des constructions innovantes en bois, un matériau qui s’impose naturellement pour vous…
Essayons d’utiliser les bons matériaux à la bonne place ! Pour des fondations ou un tunnel, le béton est parfaitement adéquat. Mais dès que l’on sort du sol, le bois permet de grandement limiter les émissions de CO2, sans parler des possibilités de recyclage en fin de vie. On ne peut plus passer à côté de l’énergie grise des matériaux de construction. La forêt suisse – dont la croissance annuelle est loin d’être entièrement exploitée – ne met qu’un peu plus d’une minute à produire le bois nécessaire pour une maison familiale, avec la seule énergie du soleil.
L’efficience énergétique des bâtiments est-elle plus que jamais d’actualité ?
Les crises climatique et énergétique ont largement médiatisé cette question et doivent nous pousser à nous engager pleinement dans la voie de la durabilité, d’autant que le secteur du bâtiment engloutit près de la moitié de l’énergie consommée en Suisse. Avec les objectifs élevés que la Suisse s’est fixés, le cadre légal va se durcir et il ne faut pas rechigner à investir dans l’efficience énergétique, autant pour des raisons financières qu’écologiques. Même l’eau, qu’on a longtemps crue inépuisable en Suisse, pourrait connaître de fortes hausses de prix à l’avenir, comme le mazout ou l’électricité avant elle. Aujourd’hui, il est possible de créer des bâtiments passifs, qui produisent plus d’énergie qu’ils n’en consomment.
Et la rénovation, dans tout ça ?
Elle est primordiale ! Construire durable est une chose, mais rénover le parc existant en est une autre. Parmi nos nombreuses collaborations en Suisse et en Europe, notre bureau a notamment lancé un projet de recherche intitulé Coccum, en partenariat avec le BIC, la Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg et d’autres partenaires privés et publics. Son but est de développer une technique de rénovation reproductible et standardisée en vue d’améliorer l’efficacité de l’enveloppe et son étanchéité à l’air, tout en participant à la valorisation architecturale du bâti. Cela a abouti à la première rénovation Minergie-P locative de Suisse romande, à partir d’un immeuble des années 50.
Comment voyez-vous le futur ?
Le grand défi sera de loger dans des conditions optimales l’ensemble de la population, amenée à augmenter rapidement. Nous proposons déjà aujourd’hui de faire vivre deux ou trois familles dans un espace auparavant prévu pour un seul ménage, tout en préservant la qualité de vie et le confort. Il faut aussi penser à la flexibilité et à la modularité des maisons et des appartements dans le temps. De manière plus générale, il s’agit non seulement de retrouver le sens de l’économie circulaire, que nous avons un peu perdu, mais aussi de permettre le savoir-vivre ensemble, dans des espaces urbains mieux pensés en termes de logements, de mobilité et d’infrastructures. Notre devise résume le tout : construire aujourd’hui en pensant à demain !
« Offrez un cerveau à votre chauffage. » Tel est le slogan de la start-up fribourgeoise Yord, qui propose d’optimiser sa consommation de chauffage grâce à l’intelligence artificielle. Associés à des capteurs mesurant la luminosité, l’humidité, la température ou encore le taux de CO2, le boîtier Yord – connecté à la chaudière – permet de réaliser jusqu’à 40% d’économies d’énergie. Cerise sur le gâteau : la solution s’adapte à n’importe quel système de chauffage, quels que soient son âge et son type, et ne nécessite aucune modification de l’installation.
A l’échelon supérieur, la solution Building Intelligence d’Ecco2 – récompensée à plusieurs reprises – poursuit le même objectif d’efficience énergétique. Leader de son domaine en Suisse, l’entreprise fribourgeoise est capable de déployer sa technologie de contrôle à distance prédictif du chauffage sur de grands parcs immobiliers, avec des résultats certifiés en moins de deux ans. Gestionnaire de portefeuille, gérant d’immeubles, technicien de chauffage ou concierge, chaque profil d’utilisateur trouve son compte dans la palette d’outils disponibles, du tableau de bord sur mesure à l’application mobile.
Mais l’efficience énergétique est aussi un enjeu public. Créé en 2022, le Centre de compétences en rénovation des bâtiments (CCRB) est en passe de devenir le point de contact unique de tous les acteurs intéressés et concernés par la rénovation. Relais facilitateur entre professionnels, proposition de solutions simples, éprouvées et pertinentes ou application de nouveaux concepts de réalisation et modèles d’affaires, ses missions sont multiples.